SIMON FOURCADE, DU COMPÉTITEUR AU MANAGER

Propos recueillis par Joan Francès (Montagnes Au Naturel)

Athlète de haut niveau, puis entraîneur de l’équipe de France junior de biathlon, aujourd’hui de celle des adultes, le Catalan Simon Fourcade s’est livré sans ombrage à nos questions. Ce qui nous a permis, avec sa complicité, de mettre le nez dans les coulisses de la préparation des biathlètes en devenir de champions. Nous n'avons pu nous empêcher de le questionner sur les jeunes qui montent, et en particulier Éric Perrot.

Simon Fourcade en action en bord de piste soutenant Fabien Claude

Qu’est-ce qui t’a motivé à devenir entraîneur ?

"C’est un choix qui a émergé en fin de carrière, qui pour moi a été une belle découverte. Je me suis formé avec la volonté de transmettre ce que ce sport m’a donné, m’a permis de devenir l’homme que je suis aujourd’hui. J’ai réussi grâce à l’expérience, aux conseils de mes aînés. Ils étaient des modèles, parfois des idoles, tel Raphaël Poirée. Avec l’équipe de France junior j’ai pu mettre cette volonté en action et j’ai découvert que ce « boulot d’entraîneur » me correspondait bien. Avec l’équipe A, ce choix s’est confirmé, validé par une belle saison 2024-2025".

 

Comment définis-tu ton rôle d’entraîneur ?

"Avec les juniors, j’étais vraiment dans un rôle de transmetteur. Pour les élites, je travaille certes sur la préparation physique, mais aussi le management. Les athlètes savent pourquoi ils sont là, avec un palmarès fourni. Pour eux, le meilleur entraîneur physique c’est eux-mêmes. Je me suis un peu détaché de ce rôle pour être un manager qui les accompagne, les aide à s’organiser, à anticiper, leur permet d’aller vers la réussite".

Quelle relation établis-tu avec tes athlètes ?

"Avec eux, je suis dans un rôle d’échange, de discussion, de co-construction. Je suis un entraîneur à l’écoute de leurs besoins, qui comprend l’évolution de la génération d’aujourd’hui, ouvert à une vision élargie, en plein partage. Tout le contraire d’un petit chef donneur d’ordres. Cette attitude est plus chronophage. Autant d’athlètes, autant de personnalités, d’égos à gérer. C’est un tout à prendre en compte. Je crois que mon attitude est la bonne. Être présent, mais pas trop. Les athlètes ont l’impression d’avoir besoin aussi d’autonomie. Aujourd’hui nous avons trouvé notre système de fonctionnement".

 

Qui est à tes côtés dans cette démarche ?

"Jean-Pierre Amat pour le tir, Romain Hurtault pour la prépa physique, mais aussi le pôle kiné qui travaille en amont en prévention des blessures, un docteur, un cuisinier, la cellule glisse. On échange aussi avec Stéphane Bouthiaux, le staff des féminines, les encadrants des autres disciplines de la FFS".

Equipes de France féminines et masculines de biathlon 2025, et le staff

Pourquoi programmer des stages dans des lieux différents ?

"Nous avons programmé cinq stages dans des lieux où les installations, l’environnement, collent aux objectifs du stage. Des terrains d’altitude en vue des JO 2026 en Italie. D’abord 3 jours à Prémanon pour un test physique, déterminer la forme de chaque athlète. Puis Hyères sur la Côte d’Azur. Un stage de cohésion, de partage avec les acteurs de l’ensemble des disciplines. Corrençon-en-Vercors, site que les athlètes affectionnent. Une reprise totale. Retour 3 jours à Prémanon où l’on bénéficiera des installations de pointe. Pour conclure, nous irons en Norvège pour retrouver la neige et participer aux courses de sélection des Norvégiens".

 

En course, on te voit toujours sur les bords du circuit

"Le résultat de la course est lié à 98%, à la préparation en amont de la compétition. J’ai la volonté de croire que les 2% restants, peuvent être inhérents à l’émotion vécue durant la course. Je suis peut-être un rêveur, mais je pense qu’être au bord de la piste à encourager les biathlètes, trouver les bonnes paroles, cela peut être un plus pour eux. Bien sûr cela demande de bien les connaître. C’est la partie que je préfère dans mon job".

 

Choisir des athlètes pour un relais, c’est codifié

"Le choix des athlètes pour un relais, cela peut être lié à la confiance, à une simulation que l’on a essayée. Les résultats sur les courses individuelles en font aussi partie. Quand la dynamique n’est plus la même, des changements interviennent. Il faut être persuasif dans l’explication du choix pour ne pas créer des tensions risquant de déstabiliser le groupe. Des décisions pas faciles à prendre et à assumer. Des athlètes, réseaux sociaux, presse n’adhèrent pas toujours à ces choix, mais il faut choisir pour arriver à la performance".

 

Le réchauffement climatique a-t-il une incidence défavorable pour le biathlon ?

"Le manque de neige est aujourd’hui un handicap à la pratique de notre sport. S’il n’y avait pas des enneigeurs et le snowfarming (conservation de la neige d’une saison sur l’autre), des étapes mondiales n’auraient plus lieu. Mais le réchauffement climatique c’est avant tout une catastrophe pour notre monde et ses habitants. Il faut mettre tout en œuvre pour l’endiguer. Quant au biathlon, je pense que c’est la discipline qui sera le moins impactée par le manque de neige. Le ski-roue prendra le relais. Il existe déjà des courses sous forme de show. On peut en faire de vraies compétitions sur des pistes adaptées à cette pratique".

 

Les jeunes qui montent ont-ils leur place ?

"Les Jeux olympiques en France ne sont pas si loin (2030). Intégrer une équipe pour un jeune c’est s’imposer par son efficacité ou prendre la place des anciens qui arrêtent leur carrière. Cela pousse à la performance. Une équipe forte amène les athlètes à ne pas se reposer sur leurs lauriers et à se dépasser.

Champion du monde à 23 ans, Éric Perrot est le présent et l’avenir de l’équipe de France. Il va aller chercher de belles choses. Oscar Lombardo se construit avec des victoires qui donnent de l’espoir. Émilien Claude fait partie des jeunes qui vont s’épanouir rapidement. L’équipe de France a encore de belles victoires devant elle".