LE QUEYRAS, À LA HAUTEUR DE L'ESSENTIEL

Par Johanna Olibé, journaliste, et l'office du tourisme du Guillestrois et du Queyras

Des villages du Guillestrois au Mont-Viso hissé à 3 841 mètres d’altitude, le Queyras est un pays qui côtoie les étoiles. Situé dans le département des Hautes-Alpes, blotti contre la frontière italienne, on y pratique le nordique à toutes les sauces, de jour comme de nuit. Le paradis blanc se trouve ici, à la hauteur de l’essentiel !

Crédit photo Jeff Graphy - OTGQ

Un paradis blanc étoilé

Non, il n’y en a pas des dizaines comme celui que l’on va te présenter. Il ne rivalise pas non plus avec les autres et n’a pas vraiment besoin de faire campagne. Sa beauté, à nulle autre pareille, s’est si bien propagée de bouche-à-oreille, que le Queyras est devenu, rien qu’à prononcer son nom, une destination à cocher dans sa liste de voyages. Et notamment pour sa version nordique. Avec ses quatre sites totalisant 200 km de pistes de ski de fond et d'itinéraires, il peut se gargariser d’être le troisième plus grand domaine nordique de France. Tu veux de la neige ? Les villages du Queyras, dont Saint-Véran, sont les plus hautes communes d’Europe habitées à l’année. En choisissant une destination d’altitude pour tes vacances, tu souscris une « assurance flocons » de novembre à fin avril. Tu veux du soleil ? Les Alpes-du-Sud sont réputées pour cumuler 300 jours de soleil par an. Du sauvage ? Tu es dans un Parc Naturel Régional. De la tradition ? Tu as de la pierre, du bois, des fontaines, des temples, des églises et des cadrans solaires. Mais surtout, et c’est ce qui constitue le clou du spectacle, la cerise sur le gâteau ou la marmotte sur la lauze, c’est l’éclat de son ciel à la tombée du jour. Il est si aveuglant d’étoiles que c’est étourdissant. Lorsque tu viens faire du biathlon, du ski de fond, des raquettes, du fat-bike ou du traîneau à chiens en journée, le Queyras te propose aussi de pratiquer ces activités la nuit… jusqu’aux cols Izoard et Agnel ! Sois fou, tente l’expérience et reviens chez toi les yeux remplis d’étoiles.

Crédit photo Norman Lancelot

Une destination, quatre sites nordiques

Le Queyras rime avec « embarras du choix ». De quatre sites nordiques exactement, et c’est un luxe que peu de territoires peuvent offrir. Tu y pratiques le ski de fond, tu t’aventures en traîneau à chiens, tu chausses les raquettes à neige ou tu te fais les muscles fessiers sur un VTT aux pneus bodybuildés. De ces quatre endroits où tu pratiques le nordique, tu pars des villages skis de fond aux pieds, un seul forfait dans la poche. A toi de varier les plaisirs sur des pistes classiques dans l’un d’entre eux le matin et d’en choisir un autre l’après-midi. Tu peux aussi partir à la journée sur un itinéraire de montagne, saucisson et jumelles dans le sac, à la découverte des paysages queyrassins.

 

On commence par le site nordique qui pointe à l’est, c’est-à-dire d’Aiguilles à Ristolas en passant par Abriès, dans le Haut Guil. Tu y traverses les villages et les hameaux le long de la rivière, en forêt ou avec un horizon dégagé jusqu’à la Roche Écroulée, à l’entrée de la formidable réserve nationale de Ristolas Mont-Viso. Une fois que tu as dépassé le hameau de l’Echalp notamment, pour arriver au fond de la vallée, il ne reste plus que toi, les chevreuils et les chamois, dans un cirque naturel exceptionnel. Bienvenu au pays du Grand Nord.

Plus au sud, c’est sur le plateau de Ceillac que tu vas te fabriquer le souffle et te givrer les poumons. Il est si bien exposé que la neige reste froide tout l’hiver pour glisser à toute allure. Ou pas. Les itinéraires sont si variés qu’il y a de quoi se faire plaisir lorsque l’on commence ou que l’on est expert à la Manificat. Le plateau, par exemple, est idéal pour débuter quand d’autres pistes dans les mélèzes proposent toutes sortes de dénivelés. A moins de préférer celle dite des Balcons, de couleur noire, pour avoir une vue panoramique sur le village et la vallée.

Juste derrière, sur l’autre versant, c’est à Molines - Saint-Véran que tu pars à la découverte de la haute montagne. Tu décolles quand même de 1766 m d’altitude au départ de La Chalp ou de 2024 m au pont de Lariane pour atteindre, si les cuisses tiennent le choc, 2744 m au sommet du col Agnel ! Pas mieux pour côtoyer les étoiles et la nature à l’état pur. Autre choix : celui de démarrer à la sortie du village de Saint-Véran pour aller jusqu’à la chapelle de Clausis et le refuge de la Blanche. Dans ce dernier, tu as de quoi te réchauffer les doigts, avant d’amorcer la descente, sous les drapeaux de prières tibétains qui virevoltent au plafond de la salle commune. Cet itinéraire t’offre une vue plongeante sur la si belle Tête d'Estoilies. C’est ici que tu fais le plein de globules rouges entre des sommets qui trônent à 3000 m d’altitude.

Ce site nordique rivalise avec celui d’Arvieux situé plus au nord. Planté au cœur de la forêt du Planet qui domine Brunissard, tu peux te lancer sur une étape du Tour de France en montant le célèbre et redouté col Izoard. Si tu n’optes pas pour les larges pistes qui ondulent entre les mélèzes, tu peux aussi prendre la direction du lac de Roue et du hameau de Souliers. Cet itinéraire, qui se partage avec les raquettistes et les piétons, te permettra de faire une pause chocolatée au refuge du Grand Rochebrune.

Le premier stade de biathlon 4 saisons des Alpes-du-Sud à Ceillac

Le premier stade nordique et biathlon quatre saisons des Alpes du Sud sort de terre à Ceillac pour proposer une offre de ski nordique annuelle. Tu pourras faire du ski de fond et du biathlon cet hiver et du ski-roues et des rollers dans le courant de l’année prochaine. Le pas de tir, qui sera équipé de 15 cibles situées à 50 m et d’un anneau de pénalité, sera relié aux 50 km de pistes de ski de fond qui serpentent à travers les forêts de mélèzes et qui longent le plateau du village. Il sera opérationnel le 23 décembre, livré comme un cadeau, la veille du réveillon de Noël. Tous les niveaux sont admis, y compris les compétiteurs (jusqu’au niveau régional), qui pourront s’entraîner à devenir de vrais professionnels. En répondant aux normes les plus strictes de la discipline, ce nouvel équipement propulse le Queyras sur la carte du biathlon français.

Crédit photo R.Antoine

Spatules, raquettes ou pneus dans les célèbres cols Izoard et Agnel

Sur ces deux cols mythiques, tu skies toute la saison entre 2361 et 2744 mètres d’altitude en te partageant les spatules avec les piétons, les raquettistes et les riders de fat-bikes jusqu’à la Casse Desserte dans l’Izoard et jusqu’au refuge du col Agnel. En revanche, des journées appelées « Les intégrales du nordique » permettent aux fondeurs uniquement, jusqu’à 13 h, d’accéder au sommet par des pistes intégralement damées.

Le coquin col Izoard, qui culmine à 2361 mètres d’altitude, fait la jonction entre la vallée du Queyras où coule le Guil et celle du Briançonnais. Étape du Tour de France connue sous le nom de Casse Déserte, tu te rempliras les yeux du massif des Écrins en y arrivant. A toi de deviner, le regard fixé encore plus loin, qui, de ces sommets de glace, se nomme Mont-Blanc… Situé à une centaine de mètres plus haut, en étant parti de 1760 m jusqu’au col, tu pourras te régaler de fromages et d’une bière du Queyras au refuge Napoléon pour nourrir la bête affamée qui vient d’avaler 600 mètres de dénivelé. Si l’itinéraire est balisé et entretenu, tu prendras en compte qu’il n’est pas sécurisé à partir de la Platrière jusqu'au col. Il faudra donc impérativement consulter les conditions météo et les risques avalanche avant de partir ! Le fameux col Agnel, un mythique des cyclistes aussi, permet quant à lui de passer de l’autre côté de la frontière, et précisément en Italie ! Perché à 2744 mètres d’altitude, c’est le deuxième plus haut col routier des Alpes françaises et l’un des plus célèbres de la Route des Grandes Alpes. Au sommet, le Pain de Sucre, le Mont-Viso et une vue sur la plaine de Cunéo, entre autres, font partie du décor. Il faudra pousser un peu plus sur les gambettes pour arriver au refuge Agnel situé à 2580 mètres. Ouvert une partie de l’hiver, il te permettra lui aussi de reprendre un peu de force avant de redescendre. Pour cet itinéraire, il faudra assurer ta sécurité et consulter le bulletin de damage mis à jour tous les soirs. Des pisteurs seront disponibles pour te conseiller sur les différents parcours au Pont de Lariane, le point de départ de cette randonnée.

Crédit photo Robin Antoine

Une destination à vivre le jour comme la nuit

Dans un pays qui compte des milliards d’étoiles à portée d’yeux, on s’offre des aventures nocturnes pour profiter de la nuit comme du jour. Si tu t’es pris au jeu du biathlon la journée, pourquoi ne pas revivre l’expérience sur les pistes éclairées, skis nordiques aux pieds et carabine laser à la main, une fois la nuit tombée ? Quelques soirs dans l’hiver lors des « Nocturnes de ski de fond », à Abriès, Ceillac et Molines, tu peux aussi t’équiper d’une frontale pour glisser entre les mélèzes qui balisent les pistes fraichement damées. Si le corps est chaud après l’effort, les températures négatives peuvent ankyloser la mâchoire ! Tu opteras donc pour une soupe à l’oignon en fin de soirée dans la cabane des pisteurs… Si tu ne la digères pas, tu prendras l’option chiens de traîneau pour t’alourdir d’une raclette ou d’une fondue d’un autre monde au restaurant d'altitude Lou Chancroy, perché à 2080 mètres d’altitude.

C’est en effet après la fermeture des pistes que tu embarques sur un traîneau pour te remplir la panse de fromages locaux et de charcuterie de pays préparés par Cédric et Alex. Les calories englouties se perdront à la descente, à la lueur des frontales. Plus sport, plus téméraire, plus fou… la cascade de glace ! A Aiguilles, alors que débutants et confirmés se font les bras sur une structure artificielle, des sessions nocturnes sont organisées à 18 h de janvier à mars, encadrées par des guides de haute montagne. De quoi faire un dodo rapide et profond une fois l’expérience terminée. Il sera tout aussi efficace si tu choisis de grimper sur la selle d’un fat-bike électrique. Équipé d’une lampe à longue-portée, tu pédaleras guidé par un moniteur jusqu’au col Izoard par des pistes larges et faciles. Arrivé en haut, c’est un vin chaud qui t’attend face à la vallée scintillante. Si cette activité est réservée à un large public, celle qui consiste à passer la nuit à l’observatoire de Saint-Véran planté à 3000 mètres d’altitude est en revanche destinée aux mollets aguerris. Pour y aller, on chausse les skis de rando ou les raquettes. Sur place, tu déshabilleras les étoiles avec des astronomes passionnés, l’œil vissé dans de puissants télescopes. Inoubliable ! Sinon, il y a la Maison du Soleil à Saint-Véran et ses soirées Astro 2000. Située dans le village, on y va tranquillement à pied pour visiter les installations et observer le ciel avec d’autres télescopes. L’avantage de cette option, c’est que l’activité est accessible aux enfants.

Tout aussi magique, la balade en raquettes sur les sentiers enneigés de Ceillac fait partie de la longue liste d’activités nocturnes proposée cet hiver. Pour celle-ci, un dîner au coin du feu clôturera cette promenade qui fait corps avec la nature.

On conjugue sport et culture avec la visite de Mont-Dauphin en raquettes

Après un raid meurtrier du duc de Savoie dans la vallée de la Durance, notre cher Louis XIV envoie Vauban, alors commissaire général aux fortifications, pour qu’une défense soit mise en place. Quand l’ingénieur débarque en 1692, il remarque le plateau des « mille vents », un promontoire rocheux au carrefour de quatre vallées. Il y fait construire des fortifications, des bâtiments militaires pour y loger une garnison et un village pour accueillir des habitants. La place forte de Mont-Dauphin, inscrite sur la liste du Patrimoine mondial de l’Unesco au titre des fortifications de Vauban, est aujourd’hui un village de 170 habitants. De décembre à mars, en fonction des conditions d'enneigement, tu peux chausser les raquettes pour découvrir le front d'attaque, les fossés, la lunette d'Arçon et son souterrain, le panorama de l'échauguette et la caserne Rochambeau.

Le plus : La découverte des sculptures de l’artiste Ousmane Sow pour revivre la bataille des Sioux et des Cheyennes sur l'armée fédérale américaine. Intitulée Little Bighorn, par Ousmane Sow, l’exposition de ce sculpteur sénégalais, composée de 35 sculptures, en taille réelle ou augmentée, représente des scènes de la célèbre bataille de Little Bighorn, dernière victoire des Amérindiens sur l’armée fédérale américaine en 1876. De Dakar à Paris, l’exposition est aujourd’hui à la disposition du public dans le comble de la caserne Rochambeau de Mont-Dauphin, sous la fameuse charpente à la Philibert Delorme. A ne pas rater si tu choisis l’option raquettes et bâtons pour visiter la place forte.

Crédit photo Fabrice Amoros